LE PARADOXE DE GEORGES - Yann Frisch

Dire d'un spectacle de magie qu'il est magique est presque aussi ennuyeux que de dire que la pluie ça mouille ou que le feu ça brûle. Le Paradoxe de Georges est donc merveilleux! Si comme moi vous avez été, enfants, traumatisé.es par Gérard Majax ou encore Bernard Bilis - rien que citer leurs noms me ramène à des samedis soirs que j'aurais préféré que ma mémoire ne conserve pas - sachez que Yann Frisch vous réconciliera avec le close-up. 


Le close-up, on s'y est toutes et tous un peu collé.es : que ce soit aux 80 ans du grand-père, à l'anniversaire de la camarade de classe, ou encore après avoir découvert le numéro de juillet 1978 des Castors Juniors. On a toutes et tous batifolé avec les cartes à un moment ou un autre pour amuser la galerie. Yann Frisch, lui, a largement dépassé le stade des Castors Juniors. 

droits: Christophe Raynaud De Lage

Dans son magnifique semi-remorque-théâtre, quelques 90 spectateurs.trices sont convié.es dans ce qui a tout d'un salon cosy. Au fond, un gramophone joue quelques standards de jazz, ce qui installe une ambiance des plus charmantes. Il essaie déjà de nous embrouiller, le bougre! Il nous attrape par la musique, donc par le cœur, et nous entourloupe dans une atmosphère feutrée propice aux confidences. Vous savez, ce genre d'ambiance où on sait pertinemment que quelque chose va se passer, mais on ne sait pas vraiment quoi, mais on subodore un truc... on est en confiance, mais quand même un peu sur ses gardes... vous y êtes? Voilà, c'est ça. 

Sémillant trentenaire, aussi doué avec les mots qu'avec l'as de pique, Yann Frisch dialogue avec chacun et chacune. Personne n'est laissé sur le carreau... Oui, c'est facile. Pardon. Alignant les jeux de mots, les exemples farfelus, l'humour facile - je suis tellement bonne cliente - il nous brouille l'esprit, nous distrait, détourne notre attention et paf! Le tour est joué... et nous n'avons plus que nos yeux pour pleurer, et nos cerveaux pour nous gronder! "Comment n'as-tu pas vu ce qu'il s'est passé?".  Au milieu de ce conflit avec nous-même, l'égo un peu égratigné, notre attention se mobilise et promet de ne pas se laisser berner une nouvelle fois. Alors on se concentre, jusqu'à se créer des rides sur le front... peine perdue. Re-paf! Voilà que son costume a changé, à moins d'un mètre de moi et je n'ai rien vu. Strictement rien. Rien. Encore une fois? Rien!

Alors j'ai abandonné tout ça, je me suis laissée aller. J'ai mis de côté la rationalité, l'esprit analytique et je me suis laissée emporter par la poésie de ces instants. Parce que oui, de la poésie, il y en a à revendre! Et c'est beau! Nous sommes des victimes consentantes... n'oublions pas que nous avons payé pour venir voir un escroc... un homme qui nous fait croire que les cartes volent, apparaissent, puis disparaissent, puis réapparaissent... passant du bleu au rouge en un claquement de doigt...on se vautre dans l'escroquerie avec délice, comme on le ferait dans un canapé moelleux le dimanche. On savoure ces instants où plus rien n'est réel, sauf notre plaisir. "Il pleut dehors, mais je ne crois pas qu'il pleuve..." comme "Les carte volent, mais je ne crois pas qu'elles volent..."... le voilà le grand paradoxe, la différence entre le croire et le savoir, le hiatus entre le rêve et la raison... Pas que j'aie fréquenté de nombreux semi-remorques, mais en général, dans un semi-remorque comme celui-là, mon cœur balance vers le rêve et étonnamment, alors que j'ai eu envie de lui mettre au moins quatre claques sur l'heure que dure son spectacle, je ressors avec une envie folle de le serrer dans mes bras et de le remercier d'avoir permis à l'enfant qui sommeille au fond de moi, certes d'un sommeil très léger, de pouvoir rêver les yeux ouverts. 

Après un week-end au Théâtre Benno Besson d'Yverdon, dans le cadre des Numerik Games, vous pouvez toutes et tous aller vous faire enchanter au Festival de La Bâtie. Toutes les dates, ici.

Stéphanie Tschopp


Conception, mise en scène et interprétation: Yann Frisch

Partenaires magiques: Père Alex, Arthur Chavaudret, Dani DaOrtiz, Alain de Moyencourt, Monsieur Hamery, Pierre-Marie Lazaroo et Raphaël Navarro
Intervenants artistiques: Sébastien Barrier, Arthur Lochmann et Valentine Losseau
Accessoires: Etienne Charles, Régis Friaud, Mathias Lejosne, Rital et Alain Verdier
Lumière: Elsa Revol
Costumes: Monika Schwarzl
Tapissières: Sohuta et Noémie Le Tily
Concepteurs du Camion-Théâtre: Matthieu Bony, Eric Noël, Silvain Ohl




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