C'EST QUAND QU'ON VA OÙ ?

On y est... la vague arrive. Quelle sera son intensité? Tout n’est que statistiques... Notre vie, celle de nos aimés, notre santé, celle de nos aînés, sont intimement liées à des probabilités. Infléchir la courbe. Mettre l’économie à genoux. Les angoisses existentielles se réveillent brutalement. La peur de pointer chez « fout rien », la peur de mettre la clé sous le paillasson. Et en même temps, au milieu des craintes, devenir enfin responsable! Rester chez soi. Ce n’est pas toujours facile, surtout quand le printemps tant attendu nous nargue depuis nos fenêtres, balcons, et pour les plus chanceux depuis nos jardins. Les inégalités qu’on essaie si souvent de cacher comme la poussière sous le tapis, nous explosent à la figure. Si on ne réagit pas maintenant, alors moi, j’dis halte à tout!

Quand les grandes enseignes de vente par correspondance profitent de notre temps à tuer pour nous proposer des rabais jamais vus... consommer encore et encore, même confinés entre quatre murs. Nos écrans deviennent vitrines qu’on lèche comme les vaches lèchent la pierre à sel. Comme des héroïnomanes en manque de fripes, de robots ménagers, d’inutiles, on commande. « T’as vu chéri? Jamais plus on ne l’aura à ce prix-là! ». Si on ne comprend pas qu’on épuise des gens, des manutentionnaires, des postiers, des humains qui aimeraient bien se mettre à l’abri entre quatre murs, alors moi j’dis halte à tout!
Combien d’entre-nous, combien de nos proches seront peut-être dans quelques jours, quelques semaines, accrochés à des respirateurs, comme des embryons au cordon ombilical? On n’en sait rien... Auront-ils, aurons-nous suffisamment d’air pour tous traverser cette épreuve? Serons-nous, seront-ils, ceux qui ont été « élus » pour bénéficier de cet oxygène si précieux car notre système de santé d’ordinaire si performant - cher, mais performant - implosera et découvrira ses limites. Si on ne comprend pas qu’il est inadmissible, inhumain, de devoir choisir qui a le droit de respirer, alors moi j’dis halte à tout!
Seulement deux semaines que nous sommes confinés, à l’échelle de nos vies, ce n’est pas grand chose. Deux semaines seulement et déjà la vraie nature de certains se révèle. D’ordinaire si solidaires, en révolte permanente contre l’injustice, une étrange sensation que le cerveau reptilien prend le dessus. Les bas instincts peuvent être méprisables. Les égos gonflent sous l’effet de l’incertitude. Les réseaux sociaux se transforment en énorme café du commerce. Chacun épie chacun. Se plaint. Partage le maximum d’infos qui, dans la majorité des cas sont inexactes, ou du moins biaisées. La peur met la rationalité sur pause. Et la tolérance si souvent prônée en temps normal s’effiloche... on moque Pierre, Paul ou Jeannette qui tiennent un « Journal du confinement »... si on ne comprend pas que chacun trouve les ressorts qu’il peut pour tenir, pour atténuer l’incertitude du lendemain, si on ne comprend que cette solidarité, cette tolérance, si souvent portées en étendard, c’est maintenant qu’elles doivent entrer en action, alors moi j’dis halte à tout!
Si on ne grandit pas de cette « épreuve », si on ne réinvente pas une nouvelle société, si on ne prend pas le temps de redéfinir nos valeurs, notre mode de consommation, notre lien à la Nature, si on ne redonne pas ses lettres de noblesse au mot « fraternité », si on ne devient pas moins con, moins égoïste, toute cette histoire de pangolin n’aura servi à rien et moi j’dirai halte à tout!
On ne cherchera plus à savoir comment on écrit « No Future » en anglais, on vivra cette absence de futur dans nos corps, profondément, en allant chaque jour au chagrin.
Dis... oui, dis, c’est quand qu’on va où?

Stéphanie Tschopp

Commentaires

Articles les plus consultés