DOUCE ÉCORCE

 En discutant avec ma maman hier soir, elle m’a rappelé que quand j’étais enfant, je prenais tous les arbres dans mes bras. Je les enlaçais avec force et tendresse. Je leur parlais. Leur confiais mes secrets, quand je ne les confiais pas au chat ou au chien. Mes embrassades rallongeaient considérablement les promenades.

Comment ai-je pu oublier ça? Ou du moins le mettre dans une partie cachée de mon cerveau. Pourtant j’aime toujours profondément l’odeur de la résine...
Réveillée aux aurores, à 6 heures ce matin je partais à la recherche d’un arbre qui veuille bien m’accueillir dans ses branches.
Portée par le chant des oiseaux - j’aime bien me faire chatouiller les oreilles par les cuicuis matinaux - je croise quelques arbres, tout minçolets. Je leur tape 5 au bout des branches, mais ne m’attarde pas. Je plonge dans le cœur de la ville, là où la nature est à portée de pieds...
Je respire... l’odeur a changé. Moins de voitures, plus d’air. Et des odeurs printanières qui me chatouillent les narines. L’air est frais. C’est vivifiant. Enfin je prends du temps pour moi. Ça fait 2 semaines que je ne m’occupe que de mes petits vieux... j’en ai même oublié de faire des courses pour moi... là, je pense à moi... je m’enfonce dans la vallée du Gottéron.
Et le voilà... il est là, au bord du chemin. Les aiguilles toutes sèches, mais il est majestueux. C’est lui. Je m’approche doucement pour ne pas l’effrayer. Un léger coup de vent sorti de nulle part le fait dodeliner... il m’invite à m’approcher. C’est un épicéa, je crois... je me présente, c’est la moindre des politesses. Je lui demande si je peux l’embrasser. Un deuxième coup de vent... une branche m’effleure le visage... je crois qu’il vient de me dire oui.
Je le saisis par le tronc, l’entoure de mes bras. Je ne fais pas le tour de son tronc. Je colle mon visage contre son écorce. Elle est plus douce qu’elle ne paraissait. Et je le respire. J’ai 6 ans et je parle à cet arbre. Lui confie mes soucis pour les gens que j’aime. Le manque de proximité qui me fait mal au dedans. Je pleure aussi un peu. Mes larmes se mélangent à sa résine... je ferme les yeux et je reste là, de longues minutes à enlacer cet arbre. Je ressens presque de la chaleur. J’ai le sentiment qu’il me remplit de force. Que ses branches toutes sèches ont retrouvé une certaine souplesse et qu’il m’enveloppe. Il me protège. J’ai beau être une femme forte et farouchement indépendante, me sentir protégée, ça fait du bien, même si ce n’est qu’un arbre...
J’ai à nouveau 6 ans et je m’abandonne à la nature, comme je savais si bien le faire quand ma tête n’était pas encore lourde de soucis d’adulte... je laisse mes rêves voler vers sa cime...

Stéphanie Tschopp

Commentaires

Articles les plus consultés