LES MOTS

 J'aime beaucoup, passionnément, les mots. Il y en a qui font mal, d’autres qui soignent. Parfois ce sont les mêmes. Tout dépend de la manière dont on les utilise.

C'est un peu comme quand le poison sert à faire des remèdes.
Les mots... c’est un peu tout ce qu’il nous reste en cette période étrange. Qu’ils soient doux et tendres.
Parfois, ils émanent d’une voix qui nous rassure, d’une voix aimée, ou ils sont couchés les uns à côté des autres, séparés sanitairement par quelques virgules, d’audacieux points-virgules ou encore, de mystérieux points de suspension... mes préférés... ce n’est un secret pour personne.
Roland Barthes, philosophe et linguiste, écrivait dans son « Fragments d’un discours amoureux » - essai que je vous recommande vivement - ces merveilleuses phrases : « Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l'autre. C'est comme si j'avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. »
Caresser l’autre du bout des mots avant de le faire du bout des doigts. L’enrouler, l’envelopper. Le frôler. Entretenir le frôlage au fur et mesure qu’avance le texte. Alimenter l’imagination. La nourrir. La laisser un peu sur sa faim aussi... l’imagination ne doit jamais quitter la lecture repue. Jamais.
Ouvrir des parenthèses, ne pas les refermer. Laisser flotter les mots comme si on les susurrait à l’oreille. Faire ressentir à l’autre notre souffle. Faire remonter à son esprit la tonalité de notre voix lorsqu’il lit : « Je te désire ».
Laisser l’autre deviner notre sourire, notre regard malicieux, un brin provocateur, nos joues qui peuvent rougir, le haut nos poitrines rosir, lorsque le vocabulaire prend source dans un lexique réservé à un lecteur averti.
Les mots sont délicats. Manions-les avec précaution. Pensons-les profondément. Ne les jetons pas négligemment comme on balancerait notre veste sur un perroquet, au risque de les chiffonner. Choisissons-les avec attention et soin.
Le langage est bel et bien une peau, réactive, sensible... à nous d’être créatifs pour la mettre à l’envers.
Usons et abusons des mots pour adoucir les maux.

Stéphanie Tschopp

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