CHARLOTTE WACKER : un diamant brut

J'ai croisé l'univers de Charlotte avant de croiser son regard. Je me suis arrêtée sur ses textes, pendus comme du linge qui sèche, flottant dans les airs, soumis aux souffles de nos respirations. Des feuilles A4 frappées par une marguerite et un ruban d'encre d'une machine Royal qui appartenait à sa grand-maman. Des textes disposés en paragraphes, en relief. Çà et là de petites ratures qui les rendent profondément vivants. « Les défauts, les failles me plaisent... » me confiera-t-elle plus tard autour d'un capuccino.

crédit: Julien James Auzan

Charlotte aime les mots. Elle les colle même aufenêtres : « I want love to win ». Des lettres découpées dans des magazines, mises les unes à côté des autres, comme une lettre anonyme adressée à l’Univers. Trois fois, la même phrase. L’amour, c’est le mantra de Charlotte. A travers ses mots, elle raconte des histoires, insuffle de la vie à des personnages. Elle les met parfois en difficulté, pour voir comment ils vont se dépatouiller des situations dans lesquelles ils se trouvent. Elle exorcise aussi ses plus grandes douleurs grâce aux mots. Elle met en scène 11 moments-clés de la relation passionnelle, fusionnelle qu’elle a vécu avec un de ses meilleurs amis devenu son amoureux. Jusqu’à ce jour où il décide de se prendre la vie. De la souffrance de Charlotte, de l’absence de sensation, de l’incapacité d’écrire sur rien, mais également du chemin qui mène à la guérison naît « Oiseau de nuit », un recueil de poèmes saccadés paru en 2019. Charlotte devait réagir. Elle ne se sentait plus de ce monde. Elle a passé du temps seule, embrassé les émotions qui l’ont traversée et transcendé l’absence. Elle a choisi de briser les tabous du suicide, de la maladie psychique et du deuil. Elle a décidé de renaître : «Je te frappe de mes ailes nouvelles comme l’oiseau de nuit que je deviens ». Charlotte est un phénix. Selon ses mots, elle est une femme alchimiste. Une femme un peu hybride : un peu humaine, un peu autre chose. Ultrasensible et éveillée.

crédit: Julien James Auzan


Lorsqu’elle met ses textes au propre sur la machine à écrire de sa grand-maman, il y a un rythme qui s’installe à chaque lettre frappée, à chaque retour à la ligne. Ce même rythme qu’elle met au service de la musique. Charlotte écrit des chansons, les chante. Elle incarne les sensations, les ressentis que les sons que composent son acolyte de Charlotte Grace, Keni Arifi, fait émerger en elle. Birth, leur EP de 5 titres sort en 2015. Celle qui a grandi entre une maman canadienne d’origine libanaise et un papa suisse, qui a été bercée par un vieux piano droit qui a traversé le Sahara et qui sonnait toujours un peu faux, entre les boogie-woogies paternels endiablés et la soul, le funk, le blues, Nina et Miles retrouve la scène. Cette scène qu’elle aime tant. 

Après un an dans la filière pré-pro d’art dramatique du conservatoire de Fribourg, Charlotte passe le concours d’entrée des Teintureries. Elle est reçue, sur liste d’attente. Mais elle renonce. Ce n’était pas le bon moment pour retourner à l’école. Elle avait besoin de voir autre chose. Besoin de liberté. La musique et les mots lui serviront de porte-voix.


C’est en tant que coach vocal qu’elle participera au projet personnel de Christophe Burgess, alors étudiant aux Teintureries, Homo Solaris. Un projet un peu fou où chaque participant, danseur ou comédien, crée un personnage sans que ses partenaires ne sachent qui il ou elle est. Des mises en situations et des improvisations, pour finalement s’incarner sur un bateau et créer un langage commun qui les fédèrent. Homo Solaris prend son « envolée » en août 2019.

Charlotte vous regardera droit dans les yeux et vous dira : « Vous avez les idées ? J’ai les mots. » C’est sous le pseudonyme de Shy Ōshō que Charlotte crée du contenu, écrit pour des entreprises, des artistes, met en place des ateliers d’écriture et d’expression personnelle. Charlotte est passionnée, humble et ouverte aux autres. Les origines de son pseudo : le terme « osho » dans la tradition zen désigne le grand prêtre, l’enseignant et le maître zen autodidacte.  Il signifie également « respect harmonieux ». C’est l’état de l’éternel élève qui s’efforce de maîtriser son art avec discipline et joie. Charlotte estime que son travail demande une grande ouverture qui peut la rendre vulnérable et a tendance à la rendre timide, d’où « shy ».  Cette timidité, elle l’accepte comme un challenge à honorer. Elle a rejoint le collectif de La Maison Noctua en 2020.

Ses rêves aujourd’hui ? Écrire des textes pour d’autres chanteurs, écrire des scénarii, des pièces de théâtres.

Charlotte est un diamant brut qui n’a nul besoin d’être taillé pour que ses mille et unes facettes brillent et renvoient la lumière. 


 

Si tu étais…

une qualité ? La détermination

un défaut ? L’impatience

une fleur ? L’oxalys triangularis

une couleur ? ça évolue selon l’énergie… aujourd’hui, ce serait le violet

un élément de la maison ? un rideau de douche qui ne colle pas aux jambes. Un rideau de douche respectueux.

un mot ? Symbioses

une occupation favorite ?  La méditation ou… un orgasme

un moyen de transport ? La pensée


Suivre Charlotte sur les réseaux:

Instagram : @s_h_y_o_s_h_o

Site : www.shyosho.com


Stéphanie Tschopp

Commentaires

Articles les plus consultés