LA POÉSIE DE L'ÉCHEC - Cie MARJOLAINE MINOT

Étonnante, cette quête incessante de la perfection. Surprenante, cette obsession du zéro défaut. Ce lisse absolu, sur lequel tout doit glisser, comme l’eau sur les plumes d’un canard. Le politiquement correct et le rouge à lèvres qui ne file pas. Pas de pensées paradoxales. Pas d’élans trop tempétueux. Pas d’émotions trop fortes. Pas de passions dévastatrices... Place à l’ennui de l’uniformité et de la monotonie. Modération et réussite sont les mots d'ordre.



Réussir sa vie, ses études, son couple. Coller aux schémas, aux rêves que les autres font parfois pour nous. Plier l'échine et regarder le sol. Oui Maman. Oui, Papa. Oui, le monde.

Et si on aimait les tornades? Les vents fous. Les esprits libres. Les herbes hautes et les jardins en désordre. Les cheveux en bataille, décoiffés par des mains aimantes. Les draps défaits, encore chauds de la nuit. Les rouges à lèvres qui filent sur les joues d’avoir embrassé goulûment. Les vernis écaillés parce qu’on a gratté la terre en s’improvisant apprenti jardinier. Élever des chèvres dans le Larzac plutôt que de dévorer le code civil. Les plats trop poivrés, parce qu'une main dans la nuque nous a distrait. Les ratures dans les lettres, qui montrent qu’on a cherché le bon mot, plusieurs fois. Les cœurs qui débordent, comme des torrents indisciplinés. L’indécence d’un regard. Vous rougissez? Tant mieux. Le mascara qui coule sous des caresses... Les mots qui s’embouteillent à la frontière des lèvres. Ils finissent par sortir, dans le désordre, parce que nous sommes troublés. Même si cela n’a ni queue ni tête... Se sentir maladroit-es, livré-es à l’imprévu...



La perfection est ennui. Les défauts sont à chérir. Ils nous donnent du charme. De la vie. De l’humanité. Il faut aimer les aspérités, parce qu’on peut s’y accrocher... Parfois même sans le vouloir, comme un ongle fendu sur un bas nylon.
Soyons nous-mêmes, poursuivons nos rêves et nos envies, faisons exploser les schémas. C'est le message tendre et poétique que nous livre la Compagnie Marjolaine Minot.

En ces temps troubles où nos élans sont freinés, où le sentiment de faire du sur-place est omniprésent, embrassons nos fractures. Exhibons nos fêlures avec la même fierté que la faïence japonaise s'expose avec ses morceaux recollés et recouverts de feuille d'or. Avec humour et recul, tendresse et compréhension envers nous-mêmes en premier lieu, acceptons nos vulnérabilités et considérons, à la manière de ce sublime art japonais qu'est le kintsugi, que ces brisures, ces éclats d'émail, sont la preuve que malgré tout, nous nous sommes relevé-es, et nous tenons debout. Parfois un peu chancelant-es, mais parfaitement imparfait-es.


Faites-vous du bien et allez vous réconcilier avec ces petits échecs du quotidien ou ces grands échecs de vie. Vous pouvez encore le faire les 7, 8, 9, 10, 17 et 18 octobre à Nuithonie. Je lève mon verre à nos échecs, ces merveilleuses opportunités de rebondir!


Concept, écriture, mise en scène Marjolaine Minot, Günther Baldauf
Assistanat à la mise en scène Camille Denkinger
Interprétation Christa Barrett, Florian Albin, Marjolaine Minot
Création musique, beatbox live Julien Paplomatas
Composition chanson Mirabelle Gremaud


Stéphanie Tschopp


Commentaires

Articles les plus consultés