LUMEN - Cie JASMINE MORAND

Je me suis demandée sur le trajet du retour comment moi, l'hyperesthésique, j'allais bien pouvoir vous expliquer ce que je venais de vivre, tant mon cerveau est en ébullition, mon corps hyper réceptif à tout ce qui l'entoure. J'ai l'impression d'avoir la vue aussi perçante qu'un chat la nuit, d'entendre des ultrasons, de ressentir puissance 10 tout mon environnement. En un peu plus d'une heure, je me suis transformée en animal à l'affût. Une notion humaine en plus, j'ai de la peine à m'arrêter de pleurer. Il n'y a pas de tristesse dans ces larmes. Il y réside encore la beauté et la force de ce que je viens de vivre. Parce que oui, ça dépasse la notion basique du "voir un spectacle de danse". C'est une expérience. Troublante. Puissante. Indispensable.


C'est un voyage des sens qui débute dans le noir. Nous sommes concentrés sur la bande-son. On a l'impression de ressentir du vent, d'entendre des animaux au loin. Le voyage commence.  Une main émerge, puis un pied. Combien sont-ils? On entend des souffles. Des tissus qui frottent. La lumière apparaît tout en douceur... On ne sait toujours pas... nos yeux sont attirés par un miroir qui reflète une réalité qui n'est pas la même que celle que l'on perçoit au sol. Les corps sont ancrés au sol, mais semblent léviter dans leurs reflets. On n'arrive pas à appréhender l'espace. Les murs de Nuithonie semblent s'être élargis. Nous sommes dans une espèce de magma de corps qui rampent, se touchent, respirent, tombent, grimpent. Tour à tour vermiceaux, puis animaux aux instincts grégaires. En meute ou livrés à eux-mêmes. L'aspect visuel est saisissant. 

La bande-son hypnotisante, enivrante. Une sorte de mouvement perpétuel qui altère notre conscience. Je ne savais plus où j'étais, limite qui j'étais. J'étais une éponge qui se ramassait des litres d'eau dans les alvéoles... Puis ces regards qui se dressent vers nous. Qui nous attrapent les rétines. Regardez-nous. Regarde-moi. Oui. Toi. Je tremblais comme une feuille. Ma respiration s'est mise à se saccader. Mon coeur battait sur ma peau, plus rien ne le protégeait. Mes yeux pleuraient. La puissance de ce moment. La violence de ce moment. La beauté de ce moment. Se montrer dans la lumière. Se montrer nu. Cru. Vulnérable. Qu'as-tu vu? Oui. Toi. Qu'as-tu vu? Qu'as-tu cru voir? Quelle est ta réalité de cet instant? Mon cerveau était au bord de l'implosion. Mille et une questions. Mille et une émotions. 

En toute sincérité, je ne sais pas si je reverrai quelque chose d'aussi fort cette saison. J'ai l'impression que chaque danseuse, chaque danseur, s'est glissé sous ma peau, s'est saisi de mes tripes, les a malaxées, puis s'est saisi de mon coeur pour le pomper et lui donner un rythme qui n'est pas le sien. Hors de mon corps. J'ai le sentiment de les avoir vus, toutes et tous,  avec mon coeur dans leur main... puis ils l'ont remis à sa place, en lui ayant insufflé une nouvelle vie, une nouvelle vision de la réalité. Une réalité qui se doit d'être critique, qui ne doit pas se contenter de ce qui est montré d'elle. Une réalité à laquelle je dois appliquer le prisme de mes émotions. Toujours. Les émotions. 

Il faut que voyiez LUMEN. Absolument. C'est la plus belle et la plus authentique des choses qu'il m'ait été donné de voir. C'est très étrange, j'ai souvent été très émue lors des spectacles, mais là, je ne sais pas comment vous l'expliquer, pour la première fois, je ne suis plus la même  qu'en entrant. Quelque chose a changé. 

A voir encore demain à Nuithonie, vendredi 9 octobre à 20h. Il reste des places. Vraiment, allez-y. C'est inoubliable. C'est unique.



concept, chorégraphie Jasmine Morand
danse, collaboration artistique Elodie Aubonney, Fabio Bergamaschi, Sarah Bucher, Claire Dessimoz, Audrey Dionis, Eléonore Heiniger, Krassen Krastev, Ismael Oiartzabal, Valentine Paley, Angela Rabaglio, Simon Ramseier, Amaury Reot, Luisa Schöfer, Marco Volta
assistanat Fabio Bergamaschi, Claire Dessimoz
aide à la recherche Philippe Chosson, Céline Fellay
scénographie Neda Loncarevic
construction décors Atelier Midi XIII
musique Dragos Tara
création lumière Rainer Ludwig

Stéphanie Tschopp

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