MISERY - Cie Confiture et Cinéscène

Alors que le printemps est un peu – beaucoup – en avance, hier soir, il neigeait dans mon salon. L’ambiance était froide, glaciale, les frissons au rendez-vous. Paul Sheldon, célèbre écrivain, se réveille dans une chambre qui n’est pas la sienne, avec une femme qui s’affaire autour de lui. Il souffre des jambes. Pour cause, il vient d’avoir un terrible accident de voiture et ses deux jambes sont brisées. Annie Wilkes, ancienne infirmière au passé trouble, le soigne, avec une dévotion toute particulière. Elle est sa plus grande fan. Elle le répète incessamment, avec insistance, pour que Paul comprenne bien, que personne, personne ne l’aime plus qu’elle. L’héroïne créée par Paul, Misery, fait rêver une Annie dont le quotidien est constitué de solitude et de misère émotionnelle. Alors que Paul est encore en « convalescence » dans cette maison isolée, Annie déniche le dernier tome des aventures de Misery. Elle exulte. Cela faisait tellement longtemps qu’elle l’attendait. Seulement, petit hic qui va faire complètement vriller Annie, Misery meurt en couches. Hors d’elle, elle oblige Paul à brûler son livre. Il doit ressusciter Misery s’il veut pouvoir rentrer chez lui.

Le décor, sobre et vétuste, représente fortement la vacuité de la vie d’Annie, ainsi que son instabilité psychique. Il permet également de laisser une grande place au jeu des comédiens, sans qu’il n’y ait d’interférence. À l’avant-scène, un voilage transparent sert d’écran de projection, pour signifier ici la neige et là, les délires psychotropes de Paul, drogué en permanence par Annie. « À force de donner n’importe quoi, cela peut tuer », lance-t-elle négligemment dans la conversation…

Il y a 30 ans, Misery débarquait sur les écrans. Cette adaptation du roman de Stephen King aura marqué quiconque l’aura vue. Lambert Bastar, dont la cinéphilie transpire dans sa mise en scène, s’attaque à ce monument avec un culot certain, tant il est difficile de chasser de son esprit le duo Kathy Bates- James Caan. Il a su s’entourer, le bougre !

crédit: Johan Perruchoud

Tout d'abord, Rebecca Bonvin, qui incarne une Annie Wilkes des plus effrayantes, tout en réussissant le tour de force de nous faire ressentir, par moment, de l’empathie pour cette tortionnaire. En effet, on peut aisément se faire une image du désert affectif que traverse cette femme, tant sa fascination pour un personnage de roman est inhabituelle et pathologique. Ses yeux s’illuminent également pour tout ce qui brille, de Paul, l’écrivain célèbre et fortuné, à Liberace, pianiste exubérant qui accompagne toutes ses lectures de Misery. Alors oui, on n’aimerait pas forcément vivre la vie d’Annie. Puis Gaspard Boesch qui, alité la majorité du temps, n’a presque que sa voix pour donner corps à Paul Sheldon. Il parvient à nous faire ressentir ses angoisses, mais également à faire ressortir le côté séducteur de Paul qui pense qu’instaurer un jeu amoureux avec Annie va le libérer de cette effroyable situation. Qui manipule qui ? Quant à Philippe Matthey, il campe un shérif un peu farfelu qu’on dirait tout droit sorti d’un film des frères Cohen. Une respiration bienvenue dans ce huis-clos étouffant.

Rebecca Bonvin et Gaspard Boesch, seuls en scène pendant près de 1h45, se livrent à une véritable performance, dont l’intensité va crescendo jusqu’à une issue dont on ignorera tout du vainqueur.

crédit: Johan Perruchoud

Ce qui aurait pu paraître un peu casse-gueule au départ, se révèle au final être une belle réussite.

Pour pallier à la fermeture des théâtres, les compagnies Confiture et Cinéscène ont mis en place une solution de streaming. Plusieurs représentations sont encore programmées jusqu’au dimanche 28 février, en direct du Théâtre de l’Espérance à Genève. Vous pouvez accéder aux représentations via ce lien.

On en a un peu marre de frissonner uniquement lors des conférences de presse de l’OFSP ou du Conseil fédéral, non ? Bon, vous savez ce qu’il vous reste à faire…


Stéphanie Tschopp






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