LETTRES DE LA CHAMBRE SECRÈTE - Cie FRAKT' /Pascale Güdel

 Le désir, cette petite chose insaisissable... ces papillons dans le ventre, cette sensation de petites pattes de chenilles sur la peau - je suis certaine que ressentez exactement ce que je veux dire - cette énergie sexuelle qui circule comme une cascade de montagne à la fonte des neiges, ce prénom qui résonne dans nos têtes, cette peau qui nous obsède, cette douceur d'un lit de mousse en forêt... toutes ces choses qui font de nous des êtres sauvages, proches de la nature, si nous n'étions pas si civilisé.es. Nous cadrons le désir. Nous lui donnons des règles à suivre, des lieux précis à investir, alors qu'au fond de nous, nous souhaiterions abattre les cloisons et rouler comme des torrents fous... (soupir)...

copyright: Sebastian Geret

Le désir, c'est parfois aussi un instant fugace où deux êtres se touchent des yeux. Un quart de seconde qui nous fait sortir de la monotonie du quotidien. Une étincelle. Une étoile. Une possibilité. Déposer pour quelques minutes son tablier de maman et revêtir la peau nue de la femme que nous avons parfois un peu laissée de côté. Se rouler dans cette peau, sans culpabilité. Partir définitivement ou pour mieux revenir? Revenir à qui, à quoi? Au quotidien, aux tartes aux pommes? Revenir à soi? À nous? Trembler. Avoir peur. Dépasser les limites. Revenir à l'état sauvage. Que faire pour nous "déchaîner" de ce qui nous enchaîne? Comment retrouver notre sauvagerie joyeuse?

Pascale Güdel et Jessanna Nemitz donnent corps, voix, guitare et looper à ce fragment du roman "Déployer" de Douna Loup. Que de grâce dans la jouissance, que d'élégance dans la torture qu'inflige parfois le désir. Que de sensualité. Que de vie! Pascale Güdel nous donne envie de sauter, de courir, de mordre la vie et le cou de cet objet de désir, qui pour une fois n'est pas le sexe féminin! Jessanna Nemitz nous donne des ailes, tant sa voix est aérienne. Dieu que c'est beau! Dieu? Mais qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans, lui? Ah si, il faut le nommer pour appréhender la dimension infinie du désir, son immensité, son absence de murs, de fenêtres, de barrières. Dieu est partout, paraît-il, il en est de même avec le désir, de manière plus certaine.

Copyright: Sebastian Geret

A l'inverse d'Elly qui écrit des lettres qu'elle n'enverra jamais, osons. Envoyons nos lettres. Ancrons  nos pieds dans la terre. Homme ou femme, sentons le sol sous nos pieds, il est suffisamment solide pour soutenir tout ce que nous sommes: des roches, des eaux souterraines, le feu, la vie. Courons. Libres!

Il y a quelque chose de profondément bouleversant lorsque certains textes sont incarnés avec autant de justesse, si proches de ce que nous sommes, une fois nos vêtements déposés au sol. Nu.es, fort.es et fragiles à la fois. Vulnérables. Prêt.es à accueillir l'autre, avec comme seule exigence, le désir. Le désir d'oser. Le désir d'explorer mille et une vies, de sortir des sentiers balisés. Pour paraphraser Anaïs Nin, n'oubliez pas que l'érotisme, et par extension le désir, sont aussi indispensables à la connaissance de soi que la poésie. Offrez-vous ce cadeau, goûtez à la poésie du désir.


Stéphanie Tschopp

Encore une représentation au Théâtre Benno Besson à Yverdon, mercredi 26 mai 2021 à 20h. Réservations, ici.


Texte: Douna Loup

Conception et jeu: Pascale Güdel

Chant et compositions: Jessanna Nemitz

Collaboration artistique: Chloë Lombard
Lumière: Julien Brun
Costumes: Amandine Rutschmann
Oeil extérieur: Anne-Sophie Rohr Cettou
Scénographie: Nicole Grédy
Construction: Valère Girardin

Production: Cie FRAKT’

Coproduction: fOrum Culture Partenaires Nebia, Bienne  – Centre culturel l’ABC, La Chaux-de-Fonds – Théâtre Benno Besson, Yverdon

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