MANUELA BACHMANN BERNASCONI : la quête absolue d'identité

Manuela se questionne en permanence. D'où vient-elle? Qui est-elle? Que fait-elle ici? Elle n'a de certitude que dans la nécessité de la rencontre. Quelle que soit la nature de cette rencontre: un humain, un livre, une musique, un dessin, tout n'est que rencontre. Elle se dit composée de différentes couches, constituées de l'héritage familial, des schémas ordonnés, des traditions. Sa peau, son corps, sont chargés de toutes ces rencontres, imposées ou imprévues, des amitiés, des amours, des hommes et des femmes qu'elle a croisé.es. Tout cela constitue l'identité primaire, celle qui nous permet de nous élever, de nous tenir debout et qui nous autorise au final à prendre notre envol, à s'émanciper et à s'en extraire. 

Manuela communique par tous les pores de sa peau. Elle dégage une énergie folle, bienveillante et attentive, curieuse de l'autre. En face d'elle, on se rend très vite compte qu'on ne pourra pas jouer un rôle. Son regard perçant et profond, autorise une liberté totale d'être soi , sans risquer de décevoir. De toute manière, ce n'est pas grave si on échoue, si on montre nos fragilités, nos forces. C'est donc à une rencontre spontanée et authentique que je vous convie. 

Manuela est une chorégraphe, une danseuse, une prof de danse, une performeuse. Elle écrit aussi de nombreux textes qu'elle intègre à ses performances. En discutant avec elle, je me suis vite rendue compte que tout est source d'inspiration pour elle. Tout l'interpelle. Elle est en création permanente. D'ailleurs, elle le dit elle-même, elle a toujours plusieurs projets en cours, simultanément. Elle saisit les occasions, les opportunités quand elles se présentent.


"La performance commence avant, bien avant que le public n'arrive. Seule, elle attend. Elle termine de composer un dessin de poussière qui l'entoure. Elle est habillée en t-shirt et pantalon de maison. On voit qu'elle les a portés longtemps. Une vieille peau grise. Odeur de chair. Humidité du corps. Les cheveux remontés à la manière de qui est chez soi."

"Laisse-moi envahir" in Solo Bêtes d'Amour - 2017

Elle a reçu le prénom de la sage-femme qui l'a mise au monde. Un prénom espagnol pour une femme dont les origines sont multiples: Sicile, Italie du Nord, Allemagne, Grèce... Avec autant de racines à son tronc, la question d'identité ne pouvait qu'être centrale. 


Enfant, elle était bonne élève, suivait des cours de danse après l'école. Pour elle, cette discipline, cette rigueur qu'exigent la danse, étaient l'assurance d'être dans un endroit sûr. L'opposé de ce qu'elle explore aujourd'hui. A ce jour, elle aime se glisser dans les endroits vides, les espaces inoccupés, ceux qui permettent selon l'expression consacrée, de "laisser du jeu". Ces espaces qui autorisent le mouvement, la fluidité, la respiration. Ces endroits où tout est possible. 

Manuela est en recherche perpétuelle. Chercher à comprendre son art, la danse, c'est son travail. Où sont les limites? Y en a-t-il? Que représente la danse parmi toutes les autres manifestations du corps, de la vie? Et si la danse était juste là. Si elle était la manifestation gestuelle, symbolique, théâtrale, mythologique, de la vie? 

Le corps est un livre qui possède son propre langage. Un livre de chair, constitué de formes et de mystères. Pour Manuela, c'est le canal qui lui permet la compréhension de ce qu'elle fait là, du pourquoi elle est ici, maintenant. C'est par ce canal, qu'elle emmagasine et restitue tout ce qui la constitue: les sensations physiques, les odeurs, les bruits, les goûts, les émotions. Tout ce qui la mène au plus proche de l'humain, avec aussi une dose d'auto-dérision et d'humour, en acceptant, parfois, de faire faux, de se tromper. Ce n'est pas grave. 


Manuela travaille actuellement, entre autres projets, sur le domaine du rêve, de l'imaginaire. Jusqu'à quel point peut-on voir, mais ne pas saisir, toucher, ce qui fait l'humain? Les rêves sont-ils réels ou virtuels? Elle donne presque déjà une réponse en donnant l'exemple de cette fleur que l'on respire. L'odeur envahit notre nez. La fleur se détache de la réalité pour s'implanter dans notre cerveau et générer une image ou un souvenir. L'imaginaire est sensoriel, furieusement réel, tout comme le virtuel. 

Le point de départ de ce projet, c'est un livre: "Un rêve pour toutes les nuits" de Lisa Bresner, illustré par Frédérick Mansot, avec les calligraphie de Dong Qiang. L'histoire d'un petit garçon qui ne dort pas, qui ne rêve pas, et qui part à la recherche d'un rêve. Mais pour pouvoir rêver, il doit d'abord s'endormir. C'est un conte initiatique qui l'emmènera aux confins de la Chine, explorer ses traditions, son écriture, sa culture. C'est un projet d'envergure qui est actuellement en recherche de fonds et qui, si on sait lire entre les lignes, rejoint de manière extrêmement limpide les questionnements de Manuela: l'identité, et la frontière entre la réalité et le monde mystérieux de l'imagination.

Manuela nous invite toutes et tous au lâcher-prise, au rêve comme réalité tangible. Personnellement, j'ai une folle envie de la suivre. Et vous?


Stéphanie Tschopp


Pour en savoir plus, et suivre son actualité, je vous invite à visiter son site.

Avec son mari, Felix BQ, ils ont créé l'association XOCOLAT. C'est une association qui a à cœur de promouvoir la mobilité de la création, les artistes, d'inventer des solutions de production et de préserver le lien entre les créatifs et la société. Plusieurs projets vont vraisemblablement se dérouler sur le site du UNlearning Center de BlueFactory à Fribourg cet été. Je n'ai qu'un conseil à donner: gardez l’œil ouvert!




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