RETOUR À VISEGRAD / Antoine Jaccoud- Julie Biro

Ce film, c'est un de mes grands coups de cœur du Festival Visions du Réel 2020. Alors en plein confinement, avoir pu découvrir tant de documentaires depuis mon salon, m'a permis d'élargir un peu cet horizon, qui, il faut bien l'admettre, manquait un peu d'amplitude. Aujourd'hui, vous avez la chance de pouvoir le découvrir dans une salle de cinéma, sur grand écran, pour en saisir toute la dimension émotionnelle.


Ce n'est pas souvent que j'écris directement après le visionnement d'un film. C'est même assez rare. Les films, je dois souvent les digérer. Les assimiler. Très certainement que cela est dû à mes goûts cinématographiques qui sortent souvent des plates-bandes. 

Parfois, il existe des films qui transcendent l'écran, même celui de mon téléviseur, et me touchent avec fulgurance. "Retour à Visegrad" est un de ces films. Je n'aime pas utiliser le mot "justesse"... il n'y a pas de juste ou de faux lorsqu'il s'agit de retranscrire des émotions ou des liens humains. Il n'y a que l'authenticité qui touche profondément. Le reste n'est que poudre aux yeux et n'a aucun intérêt. Et là, c'est bouleversant d'authenticité.


Budumir et Djamila entreprennent un voyage dans les souvenirs à bord  d'une petite voiture jaune sans âge. Ils veulent retrouver et réunir les élèves de leur école qui, un matin d'avril 1992, ont été séparés par une guerre qui n'était pas la leur. Ils n'étaient que des enfants, sacrifiés sur l'autel de la folie des adultes. Une enfance brutalement interrompue au moment où les rêves commencent à naître, les amitiés se construisent, et où les premières amours voient le jour sur le chemin de l'école.

Presque 30 ans après, que reste-t-il de ce matin d'avril? Comment ont-ils grandi? Que sont-ils devenus?


Barbara, la Dame brune, écrivait dans une de ses chansons :"Il ne faut jamais revenir au temps cachés des souvenirs... parmi tous les souvenirs, ceux de l'enfance sont les pires... ceux de l'enfance nous déchirent...".

La rencontre avec Mersiha, une des anciennes élèves, est celle qui m'a le plus touchée. Elle n'a aucun souvenir de l'école, ni de ses camarades. Son cerveau, par souci de maintenir l'instinct de survie, a brouillé les souvenirs. Elle ne se souvient que de la naissance de son petit frère dans un camp. La vie a jailli là où tout est mortifère, comme une fleur qui transperce le bitume. Elle a peur, Mersiha... peur de revoir les gens... ces enfants devenus adultes. Comment ont-ils été éduqués? Qu'en ont fait les adultes? Elle craint ces retrouvailles.


Revenir est pour beaucoup d'entre-eux une épreuve. L'enfance qui a soudainement été réduite au silence se réveille et crie! Les retrouvailles sont joyeuses, émouvantes et empreintes d'une certaine brutalité aussi, celle de ce matin d'avril 1992. On se dit au revoir avant d'aller se coucher, en redoutant ces séparations qui ne durent pourtant que quelques heures. Des heures qui permettent de rassembler les souvenirs, de mettre de l'ordre dans les traumatismes et, peut-être, d'espérer  un avenir commun, serein, construit avec les âmes des enfances retrouvées. Ils ne seront toujours que des enfants. 

Sur Fribourg, vous pouvez voir ce film au Cinéma Rex.



Stéphanie Tschopp

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