L'AMOUR VAINQUEUR - Olivier Py

 "Un spectacle pour les enfants et les gens intelligents" avait prévenu Olivier Py. De toute manière, il n'y a pas plus intelligents que les enfants. Ne dit-on pas qu'ils possèdent toutes les connaissances à la naissance et qu'un ange vient délicatement leur poser un doigt sur la lèvre supérieure pour qu'ils ne révèlent rien des secrets dont ils sont détenteurs? Vous savez, cette petite fossette que nous avons toutes et tous au-dessus de notre lèvre, c'est la marque des anges. 

Copyright: Christophe Raynaud de Lage

Donc, nos chères têtes blondes redevenues ignares parce que les chérubins asexués n'aiment pas trop partager leur savoir, il nous incombe, à nous les adultes, de leur transmettre des valeurs morales, humaines, et de leur montrer le chemin à suivre. C'est à ce moment très précis que nous bénissons tous les Grimm, Andersen et autres Perrault d'avoir eu cette merveilleuse idée avant nous. Les contes pour enfants, c'est comme le "J'attends un enfant" de Laurence Pernoud, il y en a dans toutes les chaumières et ils sont bien plus efficaces que tous les manuels éducatifs de Françoise Dolto. 

Olivier Py s'inspire donc d'un conte des Frères Grimm. Il y a cinq personnages: une princesse, un prince, un jardinier, une fille de vaisselle et un effroyable général. Il y a un amour impossible, il a des envies d'ailleurs, il y a la guerre, il a la soif de pouvoir. La princesse est punie d'aimer le mauvais garçon, et comme toute princesse qui se respecte, elle finit enfermée dans la plus haute tour du château. Le prince quant à lui, comme tout bon prince s'en va-t-en guerre, ne sait quand reviendra. Tu es déjà en train de fredonner, je t'entends depuis là où je suis... Tandis que le général, comme tout bon général planifie son prochain putsch et se voit déjà à la tête des affaires du royaume. Le jardinier et la fille de vaisselle rêvent de leur côté à des aventures que leurs sexes respectifs réprouvent. Lui s'émeut devant la beauté de la nature et aime bien embrasser "quand ça pique" et elle rêve de partir à l'abordage, tricorne vissé sur la tête. 

Copyright: Christophe Raynaud de Lage

Lorsque la princesse arrive à s'échapper de sa tour, le monde qu'elle découvre est ravagé par la guerre et son père, le roi, a été tué. Elle n'a plus rien et avec l'aide du jardinier, va retrouver sa dignité et de quoi se nourrir, en chantant dans la rue. "Rien n'est jamais perdu quand on sait des chansons.". Le prince se croit défiguré par la guerre et porte un masque pour dissimuler sa laideur. Lorsque les jeunes amants se retrouvent, elle lui révèlera qu'il n'a pas changé. "On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux" disait un autre Petit Prince. 

C'est un récit initiatique qui sert à éduquer. Eduquer dans son sens primaire: faire sortir, se révéler ce que l'enfant possède déjà en lui. C'est valable aussi pour nous les grands... on oublie un peu trop vite certaines choses. Olivier Py nous rappelle que c'est notre désir, et notre désir seul, qui nous sert à inventer le monde de demain. Que nous devons lutter pour les choses auxquelles nous croyons et affirmer nos envies. Qu'il y a dans le théâtre, toutes les réponses aux questions que nous nous posons. Que le théâtre est l'art qui nous aide à réenchanter le monde. 

Copyright: Christophe Raynaud de Lage

Une scène sur la scène. Une mise en abîme. Subtil mélange de bouffonneries de théâtre de tréteaux et de danses de music-hall. Les lumières sont tranchées, que des couleurs élémentaires: rouge, bleu, vert... oubliés le parme, le taupe, le mauve ou encore le coquille d'œuf. Exit les vidéos incrustées, on redécouvre le charme désuet des toiles peintes. Point de grand orchestre: deux pianos, un droit et un à bretelles, un violoncelle et une caisse claire. C'est suffisant, nos imaginaires font le reste. Et la musique! Chaque personnage possède son univers, et on serait chez Wagner qu'on parlerait de la présence de leitmotiv. Les mélodies prennent instantanément possession de nos oreilles, de nos pieds qui, au final, on presque envie de se lancer dans un cancan endiablé, nos mains répondent en rythme. C'est limpide et fluide. Onctueux aussi. On a envie de se rouler dans les croches. C'est simple. Aussi simple et pur que devraient l'être toutes nos émotions. C'est le cœur tourné vers cette envie de légèreté, de simplicité, de vérité des sentiments, avec une envie folle de souffler des paillettes dans la vie des gens que j'ai quitté le Théâtre Benno Besson, avec des étoiles dans les yeux et pas les yeux bouffis d'émotion. Mais comme je suis émue non seulement par les choses tristes, mais aussi par la beauté et la profondeur, disons que les étoiles étaient suffisamment grandes pour dissimuler les larmes. Ne vous détrompez pas, il y a de la noirceur dans cette opérette, mais, Olivier Py nous démontre par A + B qu' avec un peu de fantaisie, on peut dialoguer avec le Mal sans s'en désespérer.



Stéphanie Tschopp


Avec Clémentine Bourgoin, Pierre LebonFlannan ObéAntoni Sykopoulos

Texte, mise en scène et musique Olivier Py
Scénographie, costumes, maquillage Pierre-André Weitz
Lumière Bertrand Killy
Arrangements musicaux Antoni Sykopoulos


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