SHAKE BEFORE USE - Compagnie Drift

Shake before use... Agiter avant emploi. Agiter qui? Agiter quoi? Agiter la pensée dans un premier temps. La déconstruire. La laisser nous envahir, sans la quantifier, sans la mesurer, sans la cadrer. Sans censure. Juste la pensée comme elle vient. Notre force psychique: le rêve. Accepter que le monde est absurde et que nous sommes irrationnel-les. Cela ne vous rappelle rien? On est à cheval entre le dadaïsme et le surréalisme. Autant vous dire que moi, qui voue un culte à toute cette équipe, de Tzara à Picabia, Dali, de Breton à Georges Bataille, de Max Ernst à Dora Maar, sans oublier Magritte,  et j'en passe, j'étais sur un nuage!

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Un nuage, celui que l'on tente d'aspirer pour révéler le bleu du ciel. Le nuage, celui que l'on crée artificiellement pour s'embrumer l'esprit, qui nous fait accéder à la partie onirique de notre pensée... l'esprit qui virevolte, "l'opposition qui s'appelle la Vie", la construction par la destruction, le refus de la relativité comme code qui enferme la pensée. Le refus de la mesure. Et c'est là, qu'intervient le chat de Schrödinger... la mesure n'existe pas. On l'entend miauler très rapidement, le matou. Miaou, miaou... il est là. Vivant, mais invisible. A moitié mort, à moitié vivant. Un peu comme nous lorsque nous nous arrêtons à la conception physique des choses. Nous devons nous secouer avant de nous utiliser, nous émanciper de la raison pour accéder à la vraie pensée, illimitée, libre, sans se préoccuper de sa forme, de sa beauté ou de sa laideur. 

Ce spectacle, cette œuvre d'art vivante, s'émancipe de tous les codes. On a le sentiment d'assister à une grande séance d'écriture automatique. Les références fusent: Man Ray, Magritte, Roland Topor. Souvenez-vous Topor, dans l'émission pour la jeunesse du début des années 80, Téléchat, il faisait intervenir les Gluons, ces êtres microscopiques qui habitaient les choses. Et bien, ils sont évoqués en quelque sorte... l'infiniment petit constitue l'infiniment grand. Une cafetière est un geiser, de toutes petites femmes des cavernes habitent des stalagmites et de minuscules entités habitent les gouttes de pluie, bien à l'abri dans leur bulle. Comme ils le revendiquaient, ne soyons pas assez naïfs pour croire au progrès, qu'il soit incarné par la cafetière italienne ou l'aspirateur, occupons-nous, avec amusement du maintenant et soyons des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes. 

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Des parapluies tombe la pluie. Au passage, on goûte à cette merveilleuse sensation de l'eau de pluie sur notre visage... on sent des odeurs, celles de l'herbe mouillée, celle du goudron en été, rafraîchi par un orage, la terre humide... vous sentez toutes ces odeurs? Elles sont convoquées dans nos imaginaires avec une force intrinsèque phénoménale, pour peu que abandonnions toute rationalité. Laissons-nous servir un verre de fée verte et plongeons! C'est pétri d'humour, c'est caustique. Mêlant la danse à la musique expérimentale, faisant de chaque bruit du quotidien une bande-son de nos vies, la Compagnie Drift nous entraîne dans les nuages de Magritte et nous fait nous noyer avec délice dans un grand roman-collage à la Max Ernst. A priori, rien ne va ensemble, mais au final, c'est d'une cohérence affolante. 

Vous avez de l'eau, du sucre et une fontaine pour la bleue? Prenez tout ce matériel avec vous jusqu'au samedi 2 octobre à Nuithonie. Oui, encore 3 représentations, ce n'est pas le moment d'être rationne-les! Il faut se jeter à l'eau tout de suite... sinon, vous serez comme le chat de Schrödinger, prisonnier-ères de vos boîtes,  à ne plus trop savoir dans quel état - au sens physique du terme - vous êtes. N'oubliez pas, tout ce qui est immobile, est mort disait Francis Picabia.


Stéphanie Tschopp


concept, performance Brigitt Lademann, Béatrice Jaccard

chorégraphie Béatrice Jaccard

interprétation Béatrice Jaccard, Brigitt Lademann

création lumière, création musique François Gendre

artiste plasticienne Brigitt Lademann

décor, régie générale Peter Schelling

vidéo Béatrice Jaccard  ­­­

costume Naomi Purro

soutien technique, paysage sonore Jürg Gasser

soutien scientifique Paolo Hsiung

soutien philosophique Suzann-Viola Renninger

direction de production Béatrice Jaccard

production CIE DRIFT

coproduction Equilibre-Nuithonie – Fribourg

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