VERTIKAL - Mourad Merzouki, Cie Käfig

Wouaw! C'est le premier mot qui est sorti de ma bouche une fois le rideau baissé... mais si on allait un peu plus loin que le wouaw? Si on allait explorer cette expression verticale d'un désir horizontal? Le hip-hop, pas besoin d'être spécialiste pour savoir que le sol est un élément indispensable à la pratique de cet art. C'est un point d'appui duquel Mourad Merzouki a décidé de s'affranchir. Prendre de la hauteur. Déplacer les centres de gravités, prolonger la scène, sortir de la zone de confort pour découvrir de nouveaux espaces, de nouvelles possibilités. Emmener les danseuses et les danseurs dans un rapport à l'espace qui leur est moins familier. Ce qui dans un premier temps peut faire croire à une certaine contention - liens, baudriers, fils, élastiques - offre au final une liberté, ou du moins un sentiment de liberté pour nous public, des plus déstabilisants. Et si de la restriction pouvait naître une nouvelle forme de liberté? Si on jouait avec nos chaînes pour mieux nous en défaire? Si nos barrières n'étaient qu'imaginaires? 

©Laurent Philippe

En s'éloignant du sol, mais pas tant que ça, car souvent les danseuses et les danseurs sont à quelques centimètres du sol, on change notre point de vue. On prend un léger recul, même infime, et cela nous offre déjà une perspective différente. Une forme d'apaisement, de sérénité. Une certaine lucidité peut-être?

Merzouki, ses danseuses et danseurs nous offrent un moment suspendu, sans jeu de mot facile. Un moment de réflexion intense qui, bien que le spectacle ait été créé il y a déjà 3 ans, trouve une résonance toute particulière aujourd'hui. Pour moi, en tous cas. Je me suis parfois sentie comme ces danseuses et ces danseurs, à courir le long des murs... Courir après quoi? Echapper à quoi? À qui? Pourquoi revenir toujours au point de départ, comme ramenée à l'origine de toutes choses par un élastique invisible? Quelques outils pour m'en défaire m'ont été donnés. Jouer avec cet élastique. Utiliser son rebond pour aller toujours plus loin. Utiliser sa résistance, pour mieux m'y opposer et m'en délivrer. Cet élastique est une métaphore de tout ce qui peut nous empêcher de progresser en tant qu'être humain. S'en extraire pour mieux exister. Pour exister mieux. Il y a certes des moments d'apesanteur, où comme dans la matrice originelle, nous flottons, dans l'attente de quelques contractions émancipatrices. Merzouki ne souhaite pas faire de nous des êtres évanescents, mais plutôt des êtres qui, bien qu'ayant une capacité à s'élever, n'en perdent pas pour autant le contact avec la terre, le sol, ne serait-ce que du bout de l'index. Les corps des danseuses et des danseurs nous montrent concrètement à quel point nous avons des ressources inexploitées pour nous libérer de nos entraves et trouver une certaine souplesse dans notre façon d'appréhender ce qui peut nous sembler être, au départ, des obstacles.


VERTIKAL est empreint d'une poésie folle. Les danseuses et les danseurs apparaissent et disparaissent, vrillent, marchent dans les airs, se reflètent les un.es. les autres, sans miroirs. Les symétries sont affolantes et troublantes. Elles sèment parfois un peu la confusion dans nos esprits, mais nous obligent par-là même à lâcher du lest sur le rationnel et à nous laisser entraîner dans des sphères plus émotionnelles. Quelques ralentis également, desquels nous ferions bien de nous inspirer. Le dialogue entre la musique, les lumières, les éléments de décor est bluffant, d'une harmonie stupéfiante.

Vous pouvez sortir de votre zone de confort, il paraît que c'est là que se loge notre bonheur, encore demain dimanche à Equilibre. Je ne sais pas s'il reste des places, mais vous trouverez des infos, ici. 

Stéphanie Tschopp


direction artistique, chorégraphie Mourad Merzouki
assistanat chorégraphe Marjorie Hannoteaux
avec Francisca Alvarez, Rémi Autechaud, Kader Belmoktar,
Sabri Colin, Nathalie Fauquette, Pauline Journé, Médésséganvi Yetongnon, Maud Payen, Alba Faivre, Manon Payet, Teddy Verardo
scénographie Benjamin Lebreton
lumières Yoann Tivoli
assisté de Nicolas Faucheux
costumes Pascale Robin
assistée de Gwendoline Grandjean
mise en œuvre des agrès Yves Fauchon
formation en aérien Isabelle Pinon
création musicale Armand Amar
mise à disposition d’un espace scénique aérien Fabrice Guillot, Cie Retouramont







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