PIXEL - Mourad Merzouki / CCN Cie Käfig

Vous aussi vous passez vos journées à confirmer à des machines que vous n'êtes pas un robot? C'est un sacré paradoxe... l'humain construit des machines qui ensuite lui demandent de bien avoir l'amabilité de  confirmer son humanité, en cochant une case dans le meilleur des cas, en sélectionnant toutes les photos où apparaissent un canard dans les cas les plus chronophages...  Vous souriez? Moi, je ris jaune. 

crédit: Laurent Philippe

Nous sommes envahi.es d'images numériques. Partout, tout le temps. A la maison, au bureau, dans la rue. Les panneaux publicitaires s'animent, les horaires de trains se modifient IRL ou plutôt IRT (in real time), retards et annulations compris. Nos esprits sont saturés d'informations. On essaie de s'en extraire, mais sans cesse les pixels nous rattrapent. 

PIXEL, c'est ça... une représentation métaphorique de l'homme face à ce tsunami de pixels, de petits carrés qui sont devenus les mètre-étalons de nos vies. On les corrige, on les multiplie pour qu'ils définissent l'image de notre vie, de notre moi, en "mieux". Une vision lisse et impalpable de ce que nous sommes, de ce qui nous entoure. 

Alors que les images numériques sont si souvent utilisées pour créer un monde soi-disant meilleur, pour pallier à des absences d'inspirations, des lacunes de scénarios ou encore des trous dans la dramaturgie, Mourad Merzouki, accompagné de Claire Bardainne et Adrien Mondot, leur offre une occasion en or de briller humainement. On ne sait plus trop si ce sont les corps des danseurs et de la danseuse qui s'alignent au numérique ou bien si c'est l'inverse. Les paysages sont mouvants, les espaces irréels. Nous sommes dans un rêve en 3D. 

Crédit: Laurent Philippe

Merzouki met en geste l'Homme et sa fuite en avant, sa course effrénée, ses obstacles, ses trous noirs... L'Homme tente d'échapper à ce monde numérique qui l'entraîne de plus en plus vers le néant. Comme un pied de nez à cette surnumérisation, la scène est bordée de petites lumières qui scintillent un peu comme des bougies, les incroyables séquences de hip-hop, auxquelles le sol est un élément indispensable, rappellent que nous devons garder les pieds sur terre, et finalement, l'intégration de quelques éléments circassiens, pour ne pas oublier tout ce que l'on est capable de faire sans artifices. 

En créant un espace en 3D, en déstabilisant notre vision, en secouant nos perceptions du moment présent, Mourad Merzouki a peut-être ouvert les portes d'une 4ème dimension: celle de notre for intérieur, notre intimité. C'est peut-être, sûrement, là que nous devons nous reconnecter. A notre corps, à nos émotions, à nos frissons, à nos rires, à nos pleurs. Sourions. Embrassons. Etreignons. Touchons. Avec nos bouches, nos bras, nos cœurs. Laissons les émojis au placard et (re)créons notre véritable poésie. 

Stéphanie Tschopp


direction artistique et chorégraphie Mourad Merzouki

concept Mourad Merzouki, Adrien M et Claire B

création numérique Adrien Mondot, Claire Bardainne

création musicale Armand Amar

lumière Yoann Tivoli assisté de Nicolas Faucheux

scénographie Benjamin Lebreton

interprétation Rémi Autechaud dit RMS, Kader Belmoktar, Daravirak Bun, Elodie Chan, Hugo Ciona, Aymen Fikri, Ibrahima Mboup, Julien Seijo, Maxim Thach, Paul Thao, Médésséganvi Yetongnon dit Swing





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