DON PASQUALE - NOF, Nouvel Opéra Fribourg

 Que serait la fin d'année sans un opéra? Une cuchaule sans safran, un couscous sans ras el-hanout, un chili sans coriandre, bref, la fin d'année serait sans saveur sans un opéra. Une fois de plus, le NOF- Nouvel Opéra Fribourg a fait migrer nos papilles au niveau de nos oreilles!

crédit: Magali Dougados

Ah, ce cher Don Pasquale! Gaetano Donizetti a, en trente ans de carrière, écrit 71 (!) opéras, dont certains sont devenus des classiques du répertoire lyrique mondial. Don Pasquale en fait partie. Si, comme pour bon nombre d'opéra, on peut résumer l'intrigue en trois phrases, il y a, dans Don Pasquale, un petit je-ne-sais-quoi qui donne envie d'ouvrir une bouteille de Chianti, de faire des pâtes et de danser une tarentelle!

L'opéra tient sur quatre personnages: Don Pasquale, Malatesta, Ernesto et Norina. A eux quatre, ils investissent le plateau pendant deux heures et trente minutes. Une vraie performance! Chose suffisamment rare pour être signalée, les rôles ont plus ou moins la même importance. Chacun-e possède son aria, si ce n'est pas deux ou trois, les ensembles sont extrêmement équilibrés, et chaque personnage possède son duo avec un autre. C'est un peu le "petit Jésus en culottes de velours", pour poursuivre l'analogie avec un bon Chianti. 

Tout part de l'envie de Don Pasquale, la septantaine, de se marier, afin de priver son neveu Ernesto de son héritage. Il s'allie avec son médecin, Malatesta, pour trouver une épouse. Malatesta, malin, et accessoirement ami d'Ernesto, élabore un plan machiavélique: proposer sa soeur Norina comme épouse à Don Pasquale. Il se trouve que Norina est la promise d'Ernesto... vous voyez venir le truc? Les situations cocasses s'enchaînent et Don Pasquale va recevoir une leçon aussi drôle que cruelle. 

crédit: Magali Dougados

Comme à son habitude, le NOF s'entoure de personnes adeptes des nettoyages de printemps. Quel dépoussiérage! Alors que le bel canto a parfois encore aujourd'hui tendance à nous faire éternuer, cette production, non seulement nous préserve de réactions allergiques, mais elle nous transporte! A commencer par la direction musicale de Sebastiano Rolli, lequel propose des ritenuti d'une élégance folle, dénués de toute affèterie. Ensuite un travail sur le texte qui rend les sur-titrages presque inutiles tant chaque mot est compréhensible. Quant aux solistes... que vous dire? Non seulement ce sont des artistes lyriques de haut vol, mais en plus, leur présence scénique est exceptionnelle! C'est du bonheur en conserve!

Don Pasquale - extraordinaire Pablo Ruiz - se découvre des envies de séduction, tombe raide d'amour, puis est dévoré par un esprit de vengeance foudroyant. Le duo complice qu'il forme avec Malatesta - Alexandre Beuchat, mon coup de coeur - est savoureux à souhait. Les qualités vocales et scéniques de ces deux barytons sont phénoménales. Non contents de posséder des voix d'une amplitude, d'une chaleur et d'une rondeur à faire fondre n'importe quel iceberg, ils incarnent leurs caractères avec une facétie et une aisance troublantes. Norina, virtuose Melody Louledjian, rêve d'échapper à son statut de mère célibataire - du jamais vu, en ce qui me concerne, pour ce rôle - en lisant des romans d'amour, utilise sa voix d'une part pour ronronner à l'oreille d'Ernesto et d'autre part pour gifler de ses cadences sans fin un Don Pasquale totalement perdu par le changement de comportement de sa jeune épouse. Ernesto quant à lui - Bogdan Mihai qui nous saisit instantanément au coeur - n'en finit pas de partir, de se lamenter, en bon amoureux transi et trahi, dans des airs aux phrases d'une longueur infinie - à croire que ce ténor possède un poumon supplémentaire - allant jusqu'à user de la sérénade "dans les règles de l'art", avec guitare et tutti quanti. 

La scénographie de Cléo Laigret est d'une efficacité redoutable, posant tous ces personnages sur un plateau de cinéma permettant ainsi de rendre crédible la rapidité de l'évolution des situations. La mise en scène de Jeanne Pansard-Besson est tellement précise, quasi organique, qu'on en oublie presque qu'il s'agit d'une représentation. On se sent propulsé dans ce que la vie a de plus immédiat. 

Courez voir ce Don Pasquale, qui non seulement est mémorable, mais en plus est un privilège en cette période où le vilain poilu s'invite un peu trop sur les scènes du monde et empêche bon nombre de spectacles de rencontrer leur public. 

Plusieurs représentations encore à Fribourg, si tout va bien. Toutes les infos et réservations, ici.


Stéphanie Tschopp


direction musicale Sebastiano Rolli
mise en scène Jeanne Pansard-Besson
scénographie Cléo Laigret
régie lumière Eloi Gianini
avec Orchestre de chambre fribourgeois, Choeur du NOF – Nouvel Opéra Fribourg
Don Pasquale Pablo Ruiz
Norina Melody Louledjian
Dottor Malatesta Alexandre Beuchat
Ernesto Bogdan Mihai
Le Notaire Simon Ruffieux
cheffe de chant Inna Petcheniouk
guitariste Marcos Zuniga





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