ENTRE CHIENS ET LOUVES - Christophe Maradan


Il vous faut vous faufiler dans les entrailles du Musée d'Art et d'Histoire de Fribourg pour accéder aux photographies intimes de Christophe Maradan. C'est dans le nouvel espace du musée, le muséoscope, inauguré cette année, que le fribourgeois de 47 ans expose ses clichés réalisés selon le procédé du collodion humide. Installé en résidence dès le mois de septembre dans les combles de l'Hôtel Ratzé, il a préparé cette exposition d'une vingtaine d'œuvres, plus sublimes les unes que les autres. 

En lisant ce qui va suivre, vous comprendrez très rapidement que je ne suis pas une spécialiste de la photographie. Si mon langage ne vous paraît pas toujours adéquat, ne retenez que les émotions que je vais tenter de vous transmettre. 

Il se dégage de ces clichés, une ambiance toute particulière. Entre sensualité et voyeurisme, onirisme et crudité. La féminité mise à nu dans ce qu'elle a de plus mystérieux, de plus équivoque, de plus joyeux, de plus provoquant, de plus troublant. Des mains se perdent sur des seins, des doigts se faufilent entre les cuisses, effleurent un sexe à peine dissimulé. Toute la force du désir et du plaisir au féminin, dans le regard d'un homme complice de ces instants fugaces. Car oui, l'instant est unique et furtif. Il ne se répète pas, la technique du collodion humide ne le permet pas. Le temps de pose est long et la scène se doit d'être immobile. Pourtant, le mouvement est bel et bien présent dans les images de Christophe Maradan. Il émane une force de vie phénoménale de chaque tirage. 

Samedi après-midi d'automne
 tirage gélatino-argentique manuel sur papier baryté, exemplaire ciré et teinté au thé, original collodion humide sur verre, 80x100cm
© Christophe Maradan

Tête tournée, yeux que l'on imagine fermés, cuisses serrées, draps empoigné, on entend le souffle de cette femme, le crissement du lin, on perçoit l'imminence du plaisir. Quel troublant Samedi après-midi d'automne !

Le corps de la femme est représenté dans toute sa splendeur, son harmonie, profondément émancipé des dogmes ancestraux et du regard de l'homme, à l'écoute de ses envies profondes, dédié à son propre plaisir. L'évocation du plaisir solitaire, la liberté et la joie que tout ce déferlement de dopamine procure, confèrent à ces corps une majesté indéniable. 

Fenêtre sur cour
tirage gélatino-argentique manuel sur papier baryté, exemplaire ciré et teinté au thé, original collodion humide sur verre, 80x100cm
© Christophe Maradan

Les œuvres qui naissent de cette pratique photographique possèdent un caractère hypnotique. Elles semblent toutes habitées, hantées. Elles nous plongent dans nos souvenirs les plus intimes, quel que soit le sujet capturé. Il y a toujours un petit quelque chose qui nous envoûte, qui nous fascine. Peut-être que les petits défauts qui apparaissent çà et là mettent du baume sur nos imperfections, lesquelles prennent tout à coup sens et éclat, comme les coulures et les résultats parfois aléatoires font partie intégrante de cet art. 

Suggestion
tirage gélatino-argentique manuel sur papier baryté, exemplaire ciré et teinté au thé, original collodion humide sur verre, 70x100cm
© Christophe Maradan

La femme que je suis a été émue de voir quelques-uns des petits secrets, lorsque nos regards deviennent absinthe et que nos corps s'embrument, révélés au grand jour. Bouleversée et chavirée aussi par ces peaux diaphanes qui semblent cousues dans du papier de soie. Nostalgique d'une époque, pas si lointaine, où les peaux se caressaient, s'embrassaient, se dégustaient du bout des lèvres, où l'intimité et la proximité nous nourrissaient toutes et tous. 


Cette exposition d'une sensualité folle est à voir jusqu'au 13 février 2022 au Musée d'Art et d'Histoire de Fribourg. Toutes les infos, ici

Stéphanie Tschopp 


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