LA FAUSSE SUIVANTE - Marivaux / Théâtre de Carouge

 Jean Liermier cherchait un texte contemporain pour parler de l'Amour. Il a choisi Marivaux, maître dans le décryptage du mécanisme des sentiments amoureux, chantre de la surprise de l'Amour. Sauf que La Fausse Suivante détonne dans le catalogue rose bonbon de ses comédies d'amour. Là où d'ordinaire l'Amour est, dans un premier temps, secret, tourmenté, puis immédiat, fulgurant, lyrique, il est dans La Fausse Suivante, manipulateur, calculateur et froid. L'âme humaine est sombre et ses desseins peu louables.

crédit: Carole Parodi

Ah, l'Amour! Si nous avons la fâcheuse habitude de prendre nos jambes à notre cou lorsqu'il montre le bout de son "A",  il n'en est pas moins essentiel à nos vies et qui plus est, au centre de presque toutes nos conversations, sous une forme ou sous une autre. Il colore nos nuits, de blanc ou de rouge, parfois de noir. Il habite nos estomacs.

Dans La Fausse Suivante, cet amour naïf est réservé à un seul personnage: La Comtesse. Même si son inconstance la précède, elle cède aux sirènes amoureuses de la moindre œillade, du moindre mot doux, et retrouve dans quelques galanteries la fraîcheur innocente de ses amours adolescentes. Elle est le seul personnage authentique, celui que l'amour aveugle. Marivaux lui rend la vue, avec cruauté, et Jean Liermier en fait une Comtesse aux pieds nus.

Entre avidité et désir d'élévation sociale, de pouvoir, domestiques, maîtres et maîtresses sont traité-e-s sur le même niveau. Les aspirations sont similaires et les moyens pour les atteindre plus perfides les uns que les autres. L'argent est au cœur du propos et l'Amour n'est que monnaie d'échange. 

crédit: Carole Parodi

Mensonges, trahisons, fausse identité, tous les machiavélismes dont l'humain est capable pour arriver à ses fins, sont incarnés par une distribution de haut vol. La mise en scène est sobre, sans effets de manche, ce qui la rend percutante, et au service des mots. Rarement il n'a été plus doux d'assister à l'errance d'un Cupidon qui ne sait que faire de ses flèches si ce n'est de faire grésiller les luminaires. Rarement il n'a été plus poétique, bien que douloureux, d'accueillir l'hiver en nos cœurs et rarement il n'a été plus immédiat le désir de renouer avec la simplicité et la fraîcheur d'un Amour dénué d'affèterie.

Je ne vais pas vous conter l'intrigue plus avant, mais plutôt vous inviter à vous laisser transporter et interpeler par ce texte moderne, jeune de 300 ans, qui révèle toute la beauté de son phrasé après quelques minutes, juste le temps pour nos oreilles de se réhabituer à cette musique si particulière et à ses nuances. S'en suivent deux heures où l'on se roule et s'enroule dans cette langue, si belle, comme dans un baiser fougueux. 

Stéphanie Tschopp


mise en scène Jean Liermier

Avec Pierre Dubey (Arlequin, valet de Lélio), Baptiste Gilliéron (Lélio), Lola Giouse (Le chevalier), Jean-Pierre Gos (Frontin), Brigitte Rosset (La comtesse), Christian Scheidt (Trivelin, valet du chevalier)


scénographie, costumes Rudy Sabounghi
assistanat à la mise en scène Katia Akselrod, Amélie van Berchem
assistanat et réalisation costumes Véréna Gimmel
réalisation teinture costume Aurore De Geer
lumières Jean-Philippe Roy
univers sonore Jean Faravel
maquillage, perruques Cécile Kretschmar assistée de Emmanuelle Olivet Pellegrin
construction décor Christophe Reichel et Jimmy Verplancke
peinture décor Eric Vuille
modélisation du décor Julien Soulier
impression toile de fond Peroni
couture Giulia Muniz
régie générale et plateau François Béraud
régie plateau Mitch Croptier
régie lumière Jean-Philippe Roy
régie son Brian d'Epagnier
habillage et coiffure Tania d’Ambrogio
chargée de production Delphine Racine

coproduction TKM Théâtre Kléber-Méleau – Renens
production Théâtre de Carouge






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