ROOM - James Thierrée / la Cie du Hanneton

 Lorsque l'on prend place dans le théâtre, tout est déjà visible. Pas de rideau. Un violoncelle dort sur scène, couché sur le flanc. Quelques panneaux qui évoquent des murs sont disséminés sur le plateau. Tout est éclaté et poussiéreux. Bien que tout soit initialement statique, sans vie, presque mort, il émane de ce squelette apparent mille et une possibilités. Les rails de lumières, les cintres, les trappes, la grande boîte à outils théâtrale est là, à disposition, nous n'avons qu'à venir nous servir. Il n'y a pas de véritable commencement... ça commence quand le public est prêt, quand il lui semble trouver qu'il fait trop de bruit, quand il se pose, se calme, abandonne sa journée de travail, de soucis, sa frénésie, sa course contre la montre. Quand le public se retire dans son intériorité, que le silence se fraie petit à petit un chemin, que les cœurs et les esprits s'ouvrent,  le plateau s'anime. Il y a quelque chose de magique dans ce début, comme si les artistes attendaient ce consentement, ce oui, qui rend l'acte amoureux si délicieux.

crédit: Fred de Casablanca

Tout devient possible. L'endroit est vaste. Où sommes-nous? Sommes-nous dans une pièce, une chambre, un crâne? L'espace est mystérieux, un peu chaotique, bruyant, confus. Les gens parlent trop fort et s'écoutent trop doucement. Les amours sont rapides. Les mots s'embouteillent au bord des lèvres et les corps bégaient. Maladresse des émotions qui grippe les corps, robotise les mouvements.  Pourquoi? Parce que. Toutes ces questions sans réponses, adressées avec obstination, sans relâche. Pourquoi? Parce que. 

Est-ce un rêve ou un cauchemar? Les fantômes envahissent le plateau. Nietzsche, Kafka et Freud viennent nous faire des clins d'yeux. Psychothérapie improvisée sur bout de canapé. Métamorphose. Figure maternelle aussi inspirante qu'aspirante, perchée en hauteur. Domination irréelle. L'humain patauge dans un espace qu'il souhaite non seulement investir, habiter, mais duquel il n'a au final qu'une envie, s'échapper. Cette somme de paradoxes qui fait de nous de merveilleux êtres en quête constante de sens. 

Repousser sans cesse nos limites, qu'elles soient géographiques, émotionnelles ou rationnelles. S'obstiner à toujours donner le meilleur de soi. Traverser la vie comme si cette dernière n'était qu'une grande audition et nous, jusqu'à notre dernier souffle, "à l'essai".

crédit: Fred de Casablanca

Ici, une contorsionniste nous rappelle le merveilleux instrument qu'est notre corps. Comme le roseau, il plie mais ne rompt pas. Avec souplesse et une certaine dose d'abnégation il se confronte aux éléments. Là, un orchestre fou, aux sonorités qui vont du jazz à Chostakovitch, Britten en passant par la fanfare circassienne, évoque ces contretemps qui nous font parfois perdre pied. Syncopé-es ou hors tempo, nous ne respirons pas toutes et tous à la même cadence. Le métronome de nos vies est la fréquence de nos rythmes cardiaques. Au repos ou hors d'haleine, ce que nous sommes intérieurement influence notre environnement. Les murs qui nous entourent peuvent alors devenir aussi légers qu'ils tiennent en équilibre sur le bout d'un doigt ou alors nous transformer en Atlas, notre monde comme une charge sur nos épaule. Nous décidons de la perméabilité, de la respirabilité de nos cloisons. Nu-es, authentiques et vrai-es, avec notre imaginaire comme formidable outil de résilience, nous bâtissons un espace stable où les murs respirent, où les portes s'ouvrent sur ce qui nous entoure. 


 Ne cherchez pas de trame narrative, ne cherchez pas d'histoire à raconter autour du verre de vin qui suivra la représentation. Il n'y en a pas. Ou si, il y en a autant que de personnes assises dans la salle. A l'issue de la représentation, j'ai croisé un couple d'amis. Je leur ai dit: "Sentez!". Ils ont posé leurs mains sur ma poitrine. Mon cœur battait littéralement dans leurs mains. J'étais diablement vivante. Lessivée, chahutée, bousculée, émue, tremblante, fragile et forte. Vivante. 

Stéphanie Tschopp


ROOM

Créé et interprété par James Thierrée

Musique originale composée James Thierrée

Avec Anne-Lise Binard, Ching-Ying Chien, Mathias Durand, Samuel Dutertre, Hélène Escriva, Steeve Eton, Maxime Fleau, Nora Horvath, Sarah Manesse, Alessio Negro

Décor & Costumes James Thierrée
Lumières James Thierrée, Lucie Delorme
Régie son Lilian Herrouin, Loïc Lambert/ Jean-François Monnier
Réalisation costumes Laurette Picheret, Sabine Schlemmer
Régie générale Olivier Achez
Assistanat à la création musicale Mathias Durand
Assistanat à la mise en scène Felicitas Willems, Philippe Royer
Construction décor et accessoires Olivier Achez, Mathieu Fernandez, Christelle Naddéo, Félix Page, Samuel Dutertre, Anthony Nicolas, Thomas Delot, Joanny Guillaumin
Patines et peintures Marie Rossetti, Valérie Margot
Régie Plateau Samuel Dutertre, Mathieu Fernandez/ Tomy Dert, Christelle Naddéo, Félix Page, Laure Picheret, Alessio Negro
Production et coordination La Compagnie du Hanneton, Emmanuelle Taccard, Hélène Dubois
Production déléguée Quaternaire : Sarah Ford, Anne McDougall, Felicitas Willems
Consultante technique Violaine Crespin

production La Compagnie du Hanneton 
coproduction Théâtre de Carouge, La Comédie de Clermont- Ferrand Scène Nationale (F), Théâtre de la Ville – Paris (F), Le Théâtre de Namur (B), Le Théâtre des Célestins – Lyon (F), Chekhov International Theatre Festival –Moscou (RU), Edinburgh International Festival (GB),Théâtre Sénart Scène Nationale de Lieusaint, Anthéa – Antibes (F), LG Art Center Seoul (K), Odyssud Blagnac (F), Equilibre-Nuithonie – Fribourg, Le Volcan Scène Nationale Le Havre (F), Opéra de Massy (F), Théâtre du Passage – Neuchâtel, Le Parvis Tarbes (F), L’arc Scène Nationale Le Creusot (F), Berlin Festspiele (D), Festpielhaus St Pölten (A)



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