CETTE FILLE-LÀ - Cie Théâtre Boréale

 Le harcèlement scolaire. Je crois, sans trop me tromper, que nous y avons toutes et tous été confronté-es, de près ou de loin. Témoins silencieux, justicier-ères de préaux ou victimes. Une spécificité physique, un nom aux consonnances exotiques, la couleur de la peau ou des cheveux, un trop grande timidité, des lunettes, tout peut être prétexte au harcèlement scolaire. 

Crédit: Nicolas Brodard

C'est à ce thème si délicat, qui touche autant la société que le domaine de l'intime, que nous sommes confronté-es durant un peu plus d'une heure. 

Braidie a 15 ans. Elle sèche les cours, préférant passer ses journées sur la plage. En pleine révolte face à l'autorité maternelle, en conflit permanent avec celle qu'elle nomme "la voix de ma mère", émotionnellement déconnectée de tous les liens familiaux, elle se passionne pour un fait divers: le meurtre d'une adolescente. Elle avale goulûment les émissions de télé-réalité qui transmettent le procès des jeunes filles responsables de la mort de la jeune fille. Son regard est dans un premier temps empreint d'un certain voyeurisme. Elle trouve presque des excuses aux meurtrières. Petit à petit, à force de collectionner tous les articles de presse, elle replonge dans ses souvenirs, et revisualise des scènes auxquelles elle a assisté dans les toilettes de son établissement scolaire, juste derrière la machine à distribuer les tampons. Et si elles et ses amies n'étaient pas différentes des jeunes filles qui ont commis l'impensable? Quand, pourquoi et comment sont-elles devenues des monstres?

Crédit: Nicolas Brodard

Braidie, intensément incarnée par une Joséphine de Weck transcendée et profondément ancrée, navigue entre coups de gueule et grande fragilité. Tantôt fumeuse de hasch au discours provocateur puis gamine rêveuse qui cherche à se reconnecter à celle qu'elle était enfant alors que la culpabilité la ronge. Elle n'a rien fait pourtant. Et c'est justement parce qu'elle n'a rien fait qu'elle a tout fait.

En miroir, Gael Kyriakidis est l'alter ego de Braidie, elle donne notes, chants et cris aux émotions de l'adolescente. Avec ici une tendresse bienvenue et là des sonorités très 80's qui nous offrent, à quelques rares occasions, un peu de répit face la dureté des scènes qui nous sont relatées. Leur complicité tacite est troublante et émouvante. 

CETTE FILLE-LÀ, c'est un grand cri qui se hurle d'un seul souffle: ça ne doit plus arriver!

Crédit: Nicolas Brodard

Peut-être êtes-vous, comme je l'ai été, un peu réticent-es à aller vous frotter à ce qui peut-être vous a profondément marqué-es enfants, ados, préférant laisser tout ce passé dans une petite case de votre cerveau... Je vous invite à aller voir cette pièce poignante et indispensable, qui soulève un nombre incalculable de questions sans jamais les poser explicitement. Vous serez profondément bouleversé-es par cette jeune femme qui avait, peut-être, juste oublié la fillette qu'elle était: celle qui aimait tant l'odeur de la pâte à modeler à la fraise. 

A voir  encore à Nuithonie les 20, 25, 26 et 27 mars. Toutes les infos, ici

Stéphanie Tschopp


texte Joan MacLeod
traduction Olivier Choinière
mise en scène Michel Lavoie
interprétation Joséphine de Weck
musique Gael Kyriakidis (Pony del Sol)
scénographie Maria Eugenia Poblete Beas
construction Atelier Tramway, Sergio Almeida, Felipe Montoya
lumière Michael Egger
costume Marie Romanens
maquillage Katrine Zingg
conseil pédagogique Zoé Moody
administration Marie-Paule Bugnon
production Compagnie Théâtre Boréale
coproduction Equilibre-Nuithonie – Fribourg
avec le soutien de Etat de Fribourg, Loterie Romande, Fondation Ernst Göhner, Fonds culturel de la Société Suisse des Auteurs (SSA), Commune de Villars-sur-Glâne, Fondation Paul Schiller, Fondation suisse des artistes interprètes (SIS)
Ce spectacle bénéficie du soutien de la DSAS et de Culture & École pour la mise en place d’un projet pilote sur le harcèlement.

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