ONCLE VANIA - d'après Anton Tchekhov / OC&CO Compagnie

Confortablement assise dans les rangées du Théâtre des Osses, repliant les jambes pour laisser passer celles et ceux qui sont placé-es plus loin dans le rang, j'ai un peu le sentiment de faire un petit acte de résistance face à l'effacement de la culture russe qui agite le monde depuis le 24 février. Chostakovitch ne s'entend plus, Dostoïevski ne se lit plus, on ose à peine dire que l'on a visionné un Tarkovski... quelle tristesse! Imaginez aller voir un Tchekhov en cette période trouble... peut-être est-ce bien de cela de nous avons besoin: ne pas laisser un homme stigmatiser la culture d'une nation. Et moi, Tchekhov, et bien je l'aime.

Crédit: Benoît Linder

 Oncle Vania donc... cette oeuvre qui nous fait naviguer entre les arbres, les écrits, les rires, les larmes, l'amour et la mélancolie. Un petit condensé de la famille, une micro-société qui comporte ses propres règles, ses secrets et ses passions. Ses désillusions aussi. 

Sonia vit avec son oncle, qu'elle appelle tendrement Oncle Vania. Elle nourrit secrètement un amour pour le Docteur Astrov, obsédé par les arbres et par une vision déjà très écologique du monde. Son père, un professeur réputé, âgé et bougon, accompagné de sa toute jeune épouse Elena sont en visite. Des colères retenues depuis de nombreuses années éclatent, mêlant vente du domaine, rente, et amours impossibles. L'humour n'est pas en reste et quelques scènes proches du vaudeville nous feraient presque oublier la rudesse des travaux que le maintien d'un tel domaine nécessitent. Nous rions, par empathie parfois plus que par moquerie et nous faisons rattraper par la mélancolie dans la scène qui suit. Sans mauvais jeu de mots, ce sont un peu les montagnes russes émotionnelles. 

Crédit: Benoît Linder

Dans cette réécriture simple et moderne, qui ramène le texte original à moins de 2 heures, l'essence même de ce qui fait la beauté des oeuvres de Tchekhov est conservée. Si l'on fait abstraction des petits clins d'oeil adressés à l'audience sous forme de "meringues double crème", de "Gruyère" ou de "conseiller d'Etat", des petites attentions, que je peux comprendre, mais auxquelles je ne suis personnellement pas très sensible parce que je trouve qu'elles dénaturent le moment, qu'elles nous éloignent trop des paysages forestiers russes, la modernité et l'universalité de la pièce transpire de chaque réplique. 

Crédit: Benoît Linder

Admirablement interprété par une brochette de comédiennes et comédiens toutes et tous en relation intime avec leur personnage, capables de nous faire éprouver de la tendresse pour chacun d'eux, indépendamment de certains traits de caractère plutôt désagréables. Un véritable tour de force. La mise en scène d'Olivier Chapelet est sobre et directe, authentique. Quant à la  scénographie d'Emmanuelle Bischoff, élégante et ingénieuse, laisse une très grande place à l'imagination, si bien que l'on arrive très aisément à construire mentalement le jardin, la disposition des pièces dans la maison. On se sent un peu chez soi. Ce sentiment est exacerbé par le fait que les comédiennes et comédiens investissent déjà le plateau alors que nous prenons place, et s'adressent régulièrement à nous, nous impliquant ainsi dans l'oeuvre, mais aussi, en quelque sorte, dans la famille. Nous devenons des cousins et des cousines éloigné-es. Finalement, nous assistons un peu à des scènes de la vie familiale comme nous avons toutes et tous pu en vivre, avec les émotions parfois intenses et disproportionnées que les liens avec nos proches peuvent générer. On quitte les lieux avec une certaine mélancolie vissée au coeur, la même que lorsqu'on prend congé des gens qu'on aime. 

Stéphanie Tschopp



Mise en scène et adaptation: Olivier Chapelet

Scénographie : Emmanuelle Bischoff
Costumes : Elsa Poulie
Lumière : Stéphane Wolffer
Musique et paysage sonore : Olivier Fuchs
Régie générale et son : Julien Lang

Avec
Alexandre Serebriakov : François Small
Elena Serebriakov : Anne-Laure Hagenmuller
Sonia Serebriakhov : Coline Chapelet
Oncle Vania : Fabien Joubert
Mickhaïl Astrov : Yann Siptrott
Ilia Tieleguine : Bruno Journée
Marina Timoeievna : Françoise Lervy







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