THE TREE - Carolyn Carlson Company

"Parler sans émettre de sons est plus fort que les mots, parce que les mots disent des mensonges. Mais quand vous vous exprimez par des gestes, vous êtes juste témoins du moment." Carolyn Carlson nous invite à être les témoins du moment que nous vivons:  une nature qui oscille entre destruction et renaissance.

Crédit: Frédéric Iovino

L'arbre, celui-là même qui trône, nu, en fond de scène, entre une pleine lune et ce qui semble être un lever de soleil. Dans la nuit, l'espoir d'un jour neuf semble être à portée de nos doigts. La poétesse visuelle qu'est Carolyn Carlson nous offre sa vision de la Terre  nourricière qui a été portée aux nues et qui aujourd'hui suffoque sous nos actes irresponsables, crie dans nos oreilles sourdes, tremble de peur alors même que nous ne ralentissons pas d'un centième de seconde notre course effrénée. 

Le ciel tonne, le vent se lève, les troncs se fendent, l'eau se fait rare et le feu ravage tout sur son passage. Il brûle, torture, autant qu'il réconforte lorsqu'il est intérieur. L'humain, à terre, est devenu un arbre comme les autres auquel on a coupé les branches, tranché les racines. Hors-sol, il meurt, s'il ne trouve les ressources pour se transformer. 

Crédit: Frédéric Iovino


THE TREE est une sublime allégorie d'une terre en souffrance. On y voit la Nature en robe blanche traverser le plateau avec dans le visage ce qui semble être de la colère, puis, agonisante, rampant au sol en quête d'un peu d'eau. Évoquant ici les danses païennes scandinaves, la sagesse de la chouette d'Athéna ou encore les offrandes remises aux Dieux pour calmer leurs colères, c'est dans les projections sphériques des aplats à l'encre de Chine de Gao Xingjian que le message poétique prend tout son sens: l'univers lui-même, l'expression du moment présent comme le symbolise le cercle bouddhique de l'ensô. Le tout qui englobe et le néant du zéro. Encre de Chine et danse font bon ménage: le pinceau dansant, léger et gracieux du peintre tentant de saisir l'évanescence des gestes, des êtres et des choses. L'humain fait partie intégrante de la Nature et n'est plus rien sans les ressources qui proviennent d'elle. Si des cendres qu'il laisse sur son chemin ne renaît une nouvelle Terre plus fertile encore, il court à sa perte. Si à l'image des gestes lents des danseurs et des danseuses il ne ralentit pas sa course folle, c'est en tronc sec et friable qu'il finira, dans l'impossibilité de porter de nouveaux fruits. 


Crédit: Frédéric Iovino

C'est une œuvre bouleversante que nous livrent Carolyn Carlson et ses neuf danseurs et danseuses exceptionnel-les. C'est le cœur remplit d'une puissante envie d'aimer chaque centimètre carré de notre Terre que nous quittons le théâtre, animé-es d'un feu intérieur qui doit nous servir à souffler sur les braises encore chaudes de l'Amour qui nous unit toutes et tous au Tout. Bien souvent, on dit: "Bravo!" à l'issue d'un spectacle, moi, j'ai juste envie de dire: "Merci!".


Stéphanie Tschopp


chorégraphie, scénographie Carolyn Carlson assistée de Colette Malye
danse Alexis Ochin, Chinatsu Kosakatani, Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli, Sara Simeoni
peintures projetées Gao Xingjian
musique Aleksi Aubry-Carlson, René Aubry, Maarja Nuut, K. Friedrich Abel
création lumière Rémi Nicolas assisté de assistiert von Guillaume Bonneau
accessoires Gilles Nicolas, Jank Dage
costumes Elise Dulac et Atelier du Théâtre National de Chaillot
remerciements à Chrystel Zingiro
production Carolyn Carlson Company
coproduction Théâtre National de Chaillot, Théâtre Toursky – Marseille, Ballet du Nord - Centre Chorégraphique National Roubaix – Hauts-de-France, Equilibre-Nuithonie – Fribourg




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